mardi 15 décembre 2009

[LeMonde] Sam Rainsy dénonce la dérive autoritaire du régime de Hun Sen

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Le chef de l'opposition cambodgienne dénonce la dérive autoritaire du régime de Hun Sen
LE MONDE | 15.12.09 | 15h29  •  Mis à jour le 15.12.09 | 15h29
 
Sam Rainsy déplore l'autoritarisme du premier ministre au pouvoir depuis plus de vingt ans.
AFP/TANG CHHIN SOTHY
Sam Rainsy déplore l'autoritarisme du premier ministre au pouvoir depuis plus de vingt ans.

our l'instant, je suis l'alibi démocratique de Hun Sen, premier ministre de mon pays, mais je pense qu'il me tuera avant de quitter le pouvoir." Le chef de l'opposition cambodgienne, Sam Rainsy, a déjà échappé, en 1997 et 1998, à deux tentatives d'assassinat. "Pour Hun Sen, je suis une caution pour les étrangers attestant qu'il respecte les libertés, mais en réalité, ce régime ne cesse de se durcir."
De passage à Paris, où il a vécu dans le passé, il use d'un esprit vif et d'un certain don de la formule pour décrire l'évolution de la société cambodgienne. Symbole de cette élite exilée avant de revenir au pays exercer des fonctions politiques, il fait dix ans de moins que ses 60 ans. Ex-ministre des finances entre 1993 et 1994 dans un gouvernement de coalition, il entend incarner une alternative au régime vieillissant de Hun Sen. Ce dernier est l'un des plus anciens dirigeants au pouvoir au monde et leader du Parti du peuple cambodgien (PPC), qui prône un modèle communiste d'inspiration vietnamienne tourné vers l'économie de marché.
Le raidissement de la politique du Cambodge s'est traduit, en novembre, par la crise déclenchée avec son voisin, la Thaïlande. Les relations diplomatiques ont été rompues entre les deux Etats après qu'Hun Sen a décidé d'offrir l'asile à l'ex-premier ministre thaïlandais, Thaksin Shinawatra, condamné dans son pays à deux ans de prison pour malversations financières. Les accords de coopération ont été suspendus après la nomination de Thaksin comme conseiller personnel du premier ministre cambodgien.
"Hun Sen jette de l'huile sur le feu avec la Thaïlande pour l'affaiblir au sein de l'ASEAN (l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est), mais aussi pour masquer le renforcement de ses relations avec le Vietnam, son autre voisin", estime Sam Rainsy.
Résistances inattendues
Mais, selon le chef de l'opposition cambodgienne, dont la formation politique, le Parti de Sam Rainsy (PSR) compte vingt-six députés et sept sénateurs, "le plus grave" se trouve à l'intérieur du pays. "Hun Sen est pris à la gorge", selon M. Rainsy. Il vient de réduire les salaires des policiers, des militaires et des fonctionnaires, et il a instauré un impôt foncier ainsi qu'une taxe sur les motos, moyen de locomotion très répandu au Cambodge. "Il avait pourtant promis de ne jamais toucher à la terre ou aux transports populaires."
Les libertés publiques, d'après les opposants cambodgiens, seraient également menacées. "La nouveauté, c'est qu'il s'attaque désormais aux militants de base et pas seulement aux chefs, les réunions publiques sans autorisation et les manifestations ont été interdites, ce régime se maintient par la peur", assure M. Rainsy.
L'équilibre politique traditionnel assuré par le poids des royalistes ne fonctionnerait plus. "Avant, les royalistes étaient l'alternative au communisme, mais depuis 1995, ils ne sont qu'une caution et ont permis à Hun Sen de se maintenir au pouvoir."
De même, les prises de position virulentes de Hun Sen contre le tribunal international jugeant actuellement, à Phnom Penh, d'ex-chefs khmers rouges dévoileraient, selon Sam Rainsy, "la vraie nature du régime". "Il critique les nouvelles poursuites engagées par le tribunal spécial, car il craint que n'apparaisse au grand jour l'emprise des ex-cadres intermédiaires khmers rouges jouant aujourd'hui un rôle de premier plan dans le régime".
Néanmoins, à en croire le chef de l'opposition cambodgienne, "la dérive autoritaire" du régime s'opposerait à des résistances inattendues. La multiplication des téléphones portables dans le pays contribuerait à faire avancer la pluralité dans les campagnes et à diffuser une information alternative à celle donnée par des médias tenus par le régime. L'ouverture à la concurrence de certains marchés, comme les télécommunications, desserrerait l'étau imposé sur le pays. "Quand une dictature veut la modernité, elle doit accepter une certaine dose de liberté", estime M. Rainsy.

Jacques Follorou
Article paru dans l'édition du 16.12.09

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